eRoadMontblanc : l’électrification prend le pouvoir sous nos roues

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Le projet eRoadMontblanc franchit un cap majeur à l’automne 2025 avec les premiers essais concluants de la route électrique expérimentale installée sur le site Transpolis, dans l’Ain. Ce démonstrateur d’alimentation par le sol (APS), développé par Alstom, ouvre la voie à une transformation profonde de la mobilité routière décarbonée en France.

Sur la piste de 420 mètres de Transpolis, les équipes d’Alstom, Pronergy, Greenmot et de l’Université Gustave Eiffel ont validé la robustesse et la sécurité du système APS, adapté du ferroviaire au routier. Intégré sous la chaussée et activé uniquement au passage des véhicules, le rail APS permet une recharge dynamique sans contact apparent.

L’équipement est installé dans une gravure de 50 cm de large sur 70 cm de profondeur, scellée par une résine. On a vérifié la tenue mécanique et la résistance à la dilatation sur le campus de Nantes” explique Patrick Duprat, chargé du projet pour Alstom.”Le véhicule est équipé de semelles collectrices : certaines collectent le courant de traction, d’autres le restituent. C’est un contact glissant. Autour de ces semelles, il y a des antennes électriques, et à l’intérieur de la piste, d’autres antennes reliées au boîtier électronique. Tout cela permet la communication entre le véhicule et le système”.

Ces essais auxquels Myutilitaire a assisté, ont confirmé la stabilité mécanique et la sécurité du dispositif, notamment grâce à une alimentation uniquement au-dessus de 30 km/h, limitant le risque électrique. L’ensemble peut atteindre des puissances de 500 kW, avec un potentiel de montée en mégawatts selon les applications futures.​

Des tests mis à rude épreuve

Les très fortes pluies durant notre reportage ont toutefois mis en avant l’utilité de ces tests, avec quelques interruptions du système liées aux mauvaises conditions météo. La phase 2 du projet sera d’ailleurs mise en place en conditions de circulation réelles, sur la N205 entre Les Houches et Chamonix, avec une zone dotée d’une pente d’environ 4%. L’objectif sera alors de démontrer l’intégration du système dans un environnement hivernal rigoureux. Mais quid donc de la sécurité dans un pays comme la France, friand de normes en tous genres ? “Le courant ne s’active que lorsqu’un véhicule est détecté au-dessus du segment. En dehors de ce passage, la piste est inerte : on peut la toucher sans danger” affirme Patrick Duprat. “La détection ne dépend pas du GPS, mais d’un signal fréquentiel généré au sol : cela permet au véhicule de reconnaître automatiquement la présence de la piste. Si on touche un segment alimenté, oui on s’électrise – mais tant que le véhicule n’est pas dessus, il n’y a aucune tension”.

Notons qu’aucun constructeur de véhicules ne propose à date un modèle compatible avec ces technologies. Ce sont les équipes de Emmanuel d’Arfeuille, Chief Technical Officer chez Faar Industry, qui ont développé un Renault Master équipé d’une mécanique de Renault Zoé électrique et compatible avec le système APS. Et de prouver que la voie suivie peut s’adapter aussi bien à des VUL, qu’à des poids-lourds.

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Un consortium 100% français

Piloté par ATMB (Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc), le projet eRoadMontblanc fédère cinq acteurs majeurs : Alstom pour l’électrification, l’Université Gustave Eiffel pour la recherche, Pronergy pour l’électronique de puissance, Greenmot pour la conversion de véhicules lourds, et ATMB qui met à disposition son réseau autoroutier pour les futurs tests grandeur nature. Ce collectif s’inscrit dans la stratégie France 2030, labellisée par les pôles CARA et INDURA, et bénéficie d’un financement public combiné à des fonds européens du plan France Relance.

Le rôle clé de Transpolis

Unique en Europe, Transpolis incarne la synergie entre recherche et industrie. Hébergée sur un ancien site militaire reconverti, cette plateforme de l’Université Gustave Eiffel permet de tester en environnement contrôlé des innovations de mobilité : navettes autonomes, véhicules connectés ou systèmes de recharge dynamique. Son agilité et son ouverture aux PME renforcent le maillage industriel du projet eRoadMontblanc, offrant un cadre d’essais 100% sécurisé avant les déploiements sur routes ouvertes.

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Une ambition nationale soutenue par l’État

Le projet a trouvé un écho particulier auprès de la DGITM (Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer), qui dès 2020 avait missionné l’Université Gustave Eiffel pour étudier la contribution des « routes électriques » à la neutralité carbone. La France a choisi d’expérimenter l’alimentation par le sol, complémentaire des technologies par caténaires testées en Allemagne ou par induction en Suède. Le ministère des Transports suit avec attention cette démonstration, perçue comme une illustration concrète de la stratégie nationale de décarbonation des transports lourds.

Face à Vinci Autoroutes

Si Vinci Autoroutes explore aussi des voies d’électrification — notamment par recharge dynamique par induction (NDLR : sous la chaussée de l’autoroute A10, à Angervilliers (Essonne), ont été installées 900 bobines de cuivre sur une portion de 1,5 km. Ces bobines, alimentées par le réseau électrique, génèrent un champ électromagnétique qui transmet de l’énergie à des véhicules équipés de bobines réceptrices. Celles-ci convertissent le champ en électricité afin d’alimenter le moteur et recharger la batterie durant le trajet. — la spécificité du modèle eRoadMontblanc réside dans son approche collaborative et sa focalisation sur une infrastructure réplicable. Là où les grands groupes testent des solutions centralisées, ce projet public-privé illustre une voie pragmatique : mutualiser les investissements, normaliser les technologies et créer un cadre de certification pour leur homologation sur réseau national.

Les perspectives d’usage

L’APS appliqué au routier pourrait d’abord équiper des corridors de fret ou des zones de montagne, où le poids des batteries constitue un frein majeur. À terme, cette technologie vise à réduire les coûts liés au stockage embarqué et les émissions globales du transport de marchandises, tout en rendant compatibles les infrastructures ferroviaires et routières. Comme le résume Emmanuel d’Arfeuille, « on ne transporte plus les batteries pour rien ».

En somme, eRoadMontblanc marque une étape stratégique pour la France, démontrant la compétence de son écosystème industriel et scientifique à faire émerger une technologie de rupture. En reliant le savoir-faire ferroviaire d’Alstom, la rigueur académique de l’Université Gustave Eiffel et l’expérience terrain d’ATMB, le projet ouvre la voie à la route électrique française. Les résultats obtenus à Transpolis confirment la faisabilité technique du système APS, posant les bases d’une électrification durable des grands axes, sous le regard attentif du ministère des Transports et des opérateurs autoroutiers.

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